Une attaque foudroyante

L'armée d'Ashkor était enfin arrivée devant la ville.
Les deux commandants, Fenaro et Herumor, sentirent qu'ils ne pourraient plus tenir leurs troupes très longtemps. Il étaient sur le point d'ordonner le début du massacre lorsqu'ils entendirent une voix dans leur esprit.
Grâce à un illithid, Ashkor leur transmettait des ordres de dernière minute.

- Prenez possession de cette ville mais évitez autant que possible de tuer ses habitants.

Les deux lieutenants d'Ashkor se regardèrent, surpris. Eviter de tuer ? Leur chef leur enlevait là tout le plaisir de la guerre.
Comme s'il avait lu dans leurs esprits, ce qu'il avait probablement fait d'ailleurs, le seigneur démon répondit :

- C'est trop facile. Une victoire aussi aisée ne m'amuse pas. Emparez-vous de cette ville. Interdisez aux bateaux de quitter le port. Instaurez des taxes et un couvre-feu. Réprimandez sévèrement les rébellions. Mais je le répète, évitez de tuer les gens. Il faut que la nouvelle se propage. Je veux que les Lutariens puissent lever un semblant d'armée pour me combattre. Ils sont faibles, dispersés, en guerre froide les uns contre les autres et nous nous sommes emparés de l'un de leur principaux centre de commerce. Ils ne pourront pas gagner. Mais je veux tout de même m'amuser en leur donnant de faux espoirs.

Voyant où leur commandant voulait en venir, le seigneur du feu et le nécromancien lui assurèrent qu'ils avaient bien compris les ordres.
Ordres qu'ils transmirent rapidement à leur troupe.
Le mécontentement se fit ressentir et quelques rebelles furent tués pour l'exemple.
Si Ashkor souhaitait épargner - temporairement du moins - la vie des habitants de Pacis, il se souciait peu de celles de ses sous-fifres.

La possession de la ville fut rapide, foudroyante.
Le gouverneur et ses gardes furent jetés dans une prison construite pour l'occasion.
Quelques gardes trop belliqueux furent tués mais dans l'ensemble, la vie des habitants de cette ville fut épargnée. Certains n'entendirent même pas l'attaque.
Quand ils se réveillèrent, ce fut pour affronter une aube grise et ils virent des créatures étranges patrouiller dans la ville. Des affiches placardées un peu partout désignait Pacis comme nouvelle possession du seigneur Ashkor.
A la mi-journée, un rassemblement eut lieu sur la place.
Herumor, qui avait la forme la plus humanoïde, déclara que tant qu'ils ne se rebelleraient pas, les habitants seraient épargnés. Ceux qui travaillaient devraient verser la moitié de leur salaire au troupe d'Ashkor. Une interdiction aux bateaux de quitter le port fut dictée et des gardes spéciaux postés au port.

Désormais, un brouillard permanent règnerait dans cette ville naguère si ensoleillée.
Avec ces gardes qui patrouillaient un peu partout et cette tension permanente, la vie des habitants ne seraient plus jamais la même ...

Komokai ne savait pa si c'était une benediction ou une malediction, mais il se trouvait justement dans la ville au moment ou elle s'était faite attaquer. Il avait été l'une des nombreuses personnes à se défendre contre l'attaque éclair. Et par chance, il n'avait pas été choisi pour l'exemple lorsqu'on l'avais mis hors d'état de nuire. Enfin si on pouvait considérer comme de la chance le fait de voir une dizaine de personnes tuées froidement devant tout le village sans pouvoir y faire quoi que ce soit. Il y avait beaucoup trop de choses qui ne collaient pas. Déjà, il était sûr et certain qu'Ashkor était revenu pour prendre possession du continent. Alors pourquoi voulait-il de l'argent ? Mais aussi, pourquoi restait-il cloitré dans cette ville alors que les soldats de Lutaria pouvait aisément l'encercler, et l'empêcher de sortir. Pourquoi Ashkor laissait-il au continent le temps de se défendre.

Komokai entra dans une auberge. Partout, les gens avaient peur. Certains pleuraient la mort d'un proche et d'autre n'avaient soit pas le courage de travailler, soit l'envie de collaborer avec l'ennemi. Mais ce dont ils avaient le plus peur, c'est qu'Ashkor ne les extermine. Car il avait non seulement pris le contrôle de la ville, mais il avait aussi anéanti le courage et l'espoir de ses habitants.

Komokai s'approcha du serveur et, voyant un soldat d'Ashkor à l'une des tables - comme si ce monstre à moitié humanoïde pouvait être considéré comme un soldat - se colla contre le bar.
- Est-ce qu'il vous reste des gens, chuchota l'astroïd.
Le tavernier le regarda d'un air grave. Il savait parfaitement de ce dont Komokai parlait. Ayant combattu à ses cotés quelques jours avant, il savait que Komokai voulait continuer de se battre. Hélas, plus personne n'osait le faire.

- Les derniers soldats de la ville qui ont été laissé en vie, lui raconta doucement le tavernier, ont été envoyés tout à l'heure en tant que messagers pour prévenir que la ville était assiégée.

C'était vraiment de plus en plus étrange. Ashkor avait l'intention ferme de faire venir tous les soldats de Lutaria dans cette ville. Il n'y avait qu'une seule explication. Cela devait être une diversion. Mais la question à poser était : que cherchait-il à cacher ?